26 août 2007

Ardante Fanny

Dans la série "J'aurais mieux fait de la fermer", Fanny Ardant choque l'Italie an clamant son admiration pour le fondateur des Brigades Rouges, Renato Curcio, qu'elle qualifie de héros.
Ce que Fanny trouve beau et grand chez le révolutionnaire, c'est le sacrifice de sa vie à un idéal. On ne peut nier que l'idée soit, en effet, très belle et propre à enflammer les imaginations romantiques. Cependant, Fanny oublie l'autre aspect de l'affaire qui est que le révolutionnaire est généralement encore moins avare de la vie d'autrui que de la sienne, et qu'il sacrifie les autres avec une générosité souvent proportionnelle à la force de ses convictions, ce qui, d'un point de vue tant esthétique que moral, est nettement moins admirable.

Toute cette histoire montre :
1 - Que sous des dehors glamour se dissimule parfois une âme révolutionnaire.
2 - Que quand on est célèbre, il vaut mieux, éviter les sujets épineux, et déclarer son amour du terrorisme en est un.
3 - Que la révolution est magnifique, mais seulement vue de très loin et pas vécue par soi-même - vue de près, elle l'est moins, et ceux qui l'ont rencontrée ne sont généralement plus là pour en témoigner.
4 - Que Fanny Ardant est le produit d'une époque où la révolution était branchée et où les intellectuels et les artistes défendaient les pires abominations sous prétexte de liberté. Nombre d'entre nous ont été victimes de cette idéologie, quelques-uns en sont revenus, mais beaucoup y stagnent encore, dont, apparemment, cette pauvre Fanny. Cotisons-nous pour lui offrir Le Livre noir du Communisme !

Oui, ma chère Fanny, un révolutionnaire, les armes à la main, c'est beau, mais seulement au cinéma. Dans la réalité et sur le terrain, ça l'est beaucoup moins, surtout lorsque le "héros" te prend en otage, t'humilie et te torture avent de te coller une balle dans la nuque. Sans même parler du cas où le révolutionnaire réussit dans ses entreprises, et que toute l'histoire vire au génocide, commis au nom de l'idéal, évidemment.

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10 août 2007

Le Mythe de la Contre-Culture




Révolte Consommée - Le Mythe de la Contre-Culture
Joseph Heath & Andrew Potter
Naïve, 2005
ISBN 2 35021 019 7
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Le livre est sorti en 2004 au Canada, sous le titre de Rebel Sell, et en 2005 en France, mais je viens seulement de le lire.

"Dans ce livre, nous avançons l'idée que si des décennies de rébellion contre-culturelle n'ont rien changé, c'est parce que la théorie de société sur laquelle repose l'idée contre-culturelle est fausse".

L'idée reçue c'est que la société est victime du capitalisme, qui, à grand renfort de publicité, s'arrange pour fourguer à la masse conformiste et lobotomisée tout un tas de produits dont elle n'a pas besoin. La contre-culture se voulant le contre-pouvoir lucide à ce système débilitant et coercitif.

C'est cette idée reçue que les deux auteurs s'emploient à démonter, en démontrant que la surconsommation n'est pas le fruit du conformisme mais, au contraire, le résultat d'une consommation concurrentielle motivée par la quête de distinction. Dans nos sociétés compétitives, les gens ne consomment pas pour faire comme tout le monde, mais, au contraire, pour se distinguer de la masse et affirmer leur différence. C'est cette quête de distinction qui les lance dans une logique de surconsommation semblable à la course aux armements à laquelle se livrent les pays. C'est la rareté qui distingue, rareté du produit de luxe, ou originalité de l'idée ou de l'attitude. C'est là que la rébellion contre-culturelle intervient comme créatrice de cette originalité tant désirée.

Le premier point démontré par les auteurs est que la contre-culture, loin d'empêcher la consommation de masse, fait, au contraire, partie intégrante du système en agissant comme moteur. Le deuxième point étant que l'idée politique de rébellion contre-culturelle, en s'opposant systématiquement à tout ce qui est organisé et étatique, et à toutes les règles et à tous les systèmes en général que, sans distinction, elle accuse d'être répressifs et coercitifs, affaiblit les États et les pouvoirs qui pourraient améliorer la société par des mesures réglementaires. Non seulement la contre-culture, en tant que projet politique, n'a jamais été capable d'apporter des solutions valables, mais, le plus souvent, elle aggrave la situation en s'opposant aux mesures qu'elle ne trouve pas assez radicales.

Par ailleurs, en assimilant toute déviance sociale à un acte de dissension, et en lui vouant une sorte de culte, la contre-culture n'a eu, pour le moment, pour seul effet, que d'encourager et de banaliser l'incivilité. "Poussée à l'extrême, elle a engendré un cycle de transgression sociale concurrentielle qui a fini par engendrer des comportements et des attitudes foncièrement antisociaux". Selon les auteurs, c'est ce mythe de la contre-culture qui a mené la gauche droit dans le mur. Les auteurs affirmant que "l'habitude contre-culturelle d'assimiler liberté et violation des normes sociales est devenue un boulet politique pour la gauche."
On en a eu la démonstration en France, récemment. En fait, en lisant ce livre, on se rend compte que le programme de Ségolène Royal était entièrement et typiquement un produit de la contre-culture, dont cet essai de 2004 annonçait déjà l'échec. D'ailleurs, pour un politicien prétendant gouverner un État, adopter les idéaux de la contre-culture, et donc l'idée qu'il faut être rebelle à tout ordre et à toute institution parce que tout ordre établi est suspect, équivaut à scier la branche sur lequel il est assis ou à se tirer une balle dans le pied.

C'est un livre facile à lire, et très intéressant, parce que toute notre société est marquée par la contre-culture, et que, dans notre quête de différence, nous sommes tous, sans même nous en rendre compte, victimes de ses sirènes. Les auteurs ne le disent pas, mais je pense que la contre-culture est devenue la nouvelle norme morale, aussi conformiste, intolérante et étriquée, et qui pèse sur la société, autant, et de manière aussi désagréable, que le faisait celle de la bourgeoisie bien pensante par le passé.

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Joseph Heath est professeur en philosophie à L'université de Toronto et Andrew Potter est chercher en éthique à l'université de Montréal.

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04 août 2007

Du Cul(turel) au con(formisme)


En France, juillet et août sont des mois invariablement dédiés au sexe. C'est la tarte à la crème estivale. Tous les ans, tous les magazines font preuve du même manque d'imagination, du même conformisme en nous sortant leur "spécial sexe". Depuis les magazines de bonnes femmes qui enseignent à la ménagère moyenne l'orgasme multiple à la plage, jusqu'aux revues cul-turelles qui apprenne à la jeunesse poprockeuse qu'il n'y a rien de plus vrai que le bondage (Inrockuptibles, qui intitule le numéro Sexe 2007, probablement pour qu'on puisse le distinguer de Sexe 2006 et de Sexe 2008, car le sexe c'est tellement tout le temps la même chose qu'il faut bien quelques repères chiffrés pour introduire une différence), en passant par les revues d'arts qui, branchitude oblige, se mettent elles aussi au mauvais goût du jour (cf Beaux Arts Magazine). Parler de sexe est devenu un passage obligé pour qui ne veut pas être taxé de ringard. Les efforts de certains pour coller à la mode du moment en deviennent pathétiques.

C'est à Beaux Arts que je décerne la palme. Ils ont fait fort en invitant un tas de pipoles, qui parlent d'autant plus volontiers d'art qu'ils n'y connaissent rien (on se demande s'il en va de même pour le sexe). On y rencontre notamment quelques pseudo-intellectuaillons médiatiques, comme Guillaume Durand et BHL, qui y font leur numéro habituel. Le premier évoque Picasso dans le style vulgaire qui le caractérise et le second, qui n'a pas encore appris à écrire, a délaissé Ségo pour Le Bain turc de Raysse sur lequel il divague artistement dans le style vasouillardo-ampoulé qui fait tout son charme. Le clou du spectacle étant toutefois le dialogue Michel Houellebecq/Catherine Millet venus débattre de sexe. Cela donne :

Houellbecq : "Ce que je regrette dans la pornographie, c'est l'absence de bons dialogues."
Et la tarte muséale de rétorquer : "Je suis d'accord, car je suis très sensible aux mots obscènes..."

Reportez-vous au magazine pour la suite... Tout est à l'avenant et, pris au second degré, c'est du niveau mauvais sketch comique. Au premier degré, c'est tout simplement affligeant de bêtise.
Des dialogues dans les films pornos, si l'on veut, mais pas écrits par ces deux-là, car, comparés à leurs divagations, les soupirs et les grognements font carrément figure de thèse de philo.

Et pour qui n'en aurait pas jusque-là du sexe après avoir lu ces numéros spéciaux, Beaux Arts en propose un autre encore plus spécial, SEXES, décrit de la manière suivante : "livre d'images et de pensées d'un genre nouveau, cet ouvrage collectif saisit la façon dont les artistes posent aujourd'hui la question centrale du sexe. Une histoire de l'art particulière en phase avec la condition contemporaine". Pour être en phase avec la condition contemporaine, ça il est en phase, le bouquin d'images ! surtout en phase commerciale !!!
La question que le lecteur se pose désormais, c'est : combien de temps ce magazine va-t-il encore résister à la tentation de vendre des sex toys et des films pornos sous prétexte d'art ?

Ceci dit, hier, sur cinq expos visitées à Paris, deux portaient à l'entrée un avertissement concernant les œuvres choquantes qu'elles montraient. Qu'il s'agisse de sexe ou de violence, il y avait en effet des œuvres à ne pas mettre sous tous les yeux. Au train où vont les choses, il faudra bientôt soumettre les musées d'art contemporain aux mêmes réglementations sur les mineurs que les sex-shops et le cinéma X.
J'adore l'art contemporain, mais hier j'ai réalisé qu'il faut impérativement voir les expos avant de se risquer à y entraîner un enfant. Il y a souvent du beau, du ludique et du féérique, mais le répugnant n'est jamais très loin. Le musée, surtout d'art contemporain, n'est plus la destination idéale pour un dimanche en famille.

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