28 août 2006

L'Ennemi écoute ! - Feind hört mit !


Depuis une bonne semaine, dans toutes les vitrines, aux vitres des tramways, dans les coins des journaux, la silhouette noire dessinée au pochoir d'un homme massif vu de derrière portant un chapeau mou. Il est penché sur le côté gauche, le bras gauche pendant, la main à moitié ouverte, il rôde et se tient aux aguets. En dessous, un point d'interrogation en blanc. Je ne sais quoi d'inquiétant, de démoniaque émane de cette figure. Question esthétique : pour quelle raison ? Je ne peux pas y répondre. Ce n'est pas seulement le noir et l'aspect massif.
Victor Klemperer, Dresde, 23 janvier 1944,
in Je veux témoigner jusqu'au bout - Journal 1942-1945, Seuil.

L'image ci-dessus n'est pas l'affiche décrite par Klemperer, mais une reconstitution de la silhouette que l'on trouve réutilisée dans d'autres déclinaisons du thème comme, par exemple, dans l'affiche suivante.

J'ignore si Victor Klemperer a pu voir l'affiche montrant cette scène de restaurant, mais il est certain que la version au pochoir en silhouette noire (que j'ai placée sur fond rouge, mais qui dans la réalité devait avoir comme couleur celle du papier) est la plus efficace des deux.
Dans l'affiche du restaurant, l'ombre est transparente, vague, diluée dans cette scène banale. Il y a le serveur, le couple, et cette présence immatérielle. L'affiche au pochoir, épurée à l'extrême, représente quant à elle, le summum de l'efficacité en communication visuelle. Tout l'environnement a disparu, il ne reste plus que cette silhouette écrasante. Les épaules démesurément larges, pas de cou, et un unique bras qui se termine en forme de pince - un monstre.
Par ses lignes, la composition reprend les principes expressionnistes : elle est basée sur des déséquilibres et des obliques. Il y a dans cette ombre menaçante des réminiscences de M le Maudit.
Pour Victor Klemperer, cette silhouette noire, massive, est la menace de mort qui pèse sur chaque instant de sa vie au sein du IIIe Reich. Inquiétante et démoniaque, parce qu'elle est emblématique du régime qui a déjà tout perverti, écrasé et détruit. La propagande nazi voulait portraiturer l'espion ennemi, mais c'est sa propre image qu'elle a peinte. La menace au quotidien dans l'Allemagne de l'époque était moins l'Américain et le Russe que le voisin de palier qui, par simple vengeance ou intérêt, pouvait vous dénoncer à la Gestapo. Cette silhouette noire est emblématique de l'arbitraire, de la violence et de la mort qui planaient en permanence sur chaque citoyen.

M le Maudit, 1931 - une image du film

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25 août 2006

Que ce blog est donc baroque !

Dans la série la vie est un éternel recommencement, je lis, dans un article du Monde consacré aux mots à la mode, que "baroque" a détrôné les mots "bizarre", "étrange", "incompréhensible". Voilà donc notre "baroque" qui, échappant finalement à la fossilisation qui l'avait cantonné à la désignation d'une période artistique, revient à la vie, retrouvant l'emploi qu'il avait au XVIIIe siècle.

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"Ce que j'entens par génie, n'est point ce goût bizarre & capricieux qui seme par-tout le baroque & le difficile, & qui ne sait embellir ou varier l'harmonie qu'à force de bruit ou de dissonnances, c'est ce feu intérieur qui inspire sans-cesse des chants nouveaux & toûjours agréables ; des expressions vives, naturelles & qui vont au coeur ; une harmonie pure, touchante, majestueuse. C'est ce divin guide qui a conduit Corelli, Vinci, Hasse, Gluck & Rinaldo di Capua dans le sanctuaire de l'harmonie ; Leo Pergolese & Terradellas dans celui de l'expression & du beau chant. (S)" , lit-on dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.

"BAROQUE (ba-ro-k'), adj. D'une bizarrerie choquante. Un goût baroque. Un accoutrement baroque. Un style baroque. Ces places [conseillers d'État, d'Église] étaient destinées aux évêques les plus distingués, et il était bien baroque de faire succéder l'abbé Bignon à M. de Tonnerre, SAINT-SIMON 87, 127.", nous dit le Le Littré.

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24 août 2006

Corne du diable et nombril du pape, quel panache !

GlamBlamBlam ne s'en cache pas, l'élégance maniérée et crasseuse du Capitaine Jack Sparrow l'a séduite.
Le film lui a rappelé les héros et les histoires de son enfance, notamment Le Capitaine Fracasse de Théophile Gautier. Il y a chez Jack Sparrow cette flamboyance à la fois dérisoire et épique des capitaines de comédie du passé : Matamore, Fracasse, Don Quichotte....
Un bon point pour Johnny Depp qui s'est battu pour imposer cette interprétation loufoque et stylée.

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20 août 2006

Teen Queen

Pour Vogue de septembre, Kirsten Dunst/Marie-Antoinette retrouve Versailles devant l'objectif d'Annie Leibowitz.
Vidéo sur le site style.com.

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12 août 2006

Expressions Françaises : "faire tapisserie"

(photo de Nicole Tran Ba Vang)

La jeune fille que personne, au bal, n'invite à danser.
Négligée, abandonnée, oubliée, invisible,
elle finit par se fondre dans le décor.
On dit qu'elle "fait tapisserie".

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06 août 2006

L'Art et les cochons en France

Comme le rêvent "les idéalistes" et les naïfs impénitents que nous sommes encore, le milieu de l'art devrait être un monde de pleine générosité, de solidarité, d'échange des valeurs, de reconnaissance mutuelle, d'ouverture d'esprit à ce qui dérange et interpelle nos conformismes... Quand on en fait le tour, on constate très vite, avec déception, que c'est plutôt un univers d’affairistes, de fonctionnaires complaisants et d’intellectuels arrogants, a écrit Fred Forest.
Moi, j'aime bien Fred Forest. Et aussi Olivier Blanckart. Enfin, j'aime surtout ce qu'ils disent sur le fonctionnement des institutions, les récompenses, les marchés, les FIAC et autres FNAC... J'aime bien, parce que j'ai fait à peu près le même genre d'observations et de constats là où je suis passée. En les lisant, je me sens moins seule.

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02 août 2006

Madame Mo

A découvrir : l'univers poétique et coloré de Madame Mo (alias Pascale Moteki), en visitant son joli site (voir en particulier les animations Les Intermèdes de Madame Mo) et en visionnant le DVD qui vient de sortir aux éditions Les Films du Paradoxe.

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